Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/155

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

beaucoup plus à elle, et, quand Dieu m’a eu donné une fille, je l’ai appelée Noémi.

VII

Le monde, en marchant, n’a pas beaucoup plus de souci de ce qu’il écrase que le char de l’idole de Jugurnath. Toute cette vieille société dont je viens d’essayer un crayon a maintenant disparu. Bréhat n’existe plus ; je l’ai revu il y a six ans, je ne l’ai pas reconnu. On a découvert au chef-lieu du département que certains usages anciens de l’île ne sont pas conformes à je ne sais quel code ; on a réduit une population douce et aisée à la révolte et à la misère. La petite marine que fournissaient ces îles et ces côtes n’existe plus. Les chemins de fer et les bateaux à vapeur l’ont ruinée. Et les vieux bardes ! ô ciel ! en quel état je les ai vus réduits ! J’en trouvai plusieurs, il y a quelques années,