Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/167

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de philosophie, il ne pouvait naturellement être question encore. Quant au XIXe siècle, à ces idées neuves en histoire et en littérature, déjà professées par tant de bouches éloquentes, c’était ce que mes excellents maîtres ignoraient le plus. On ne vit jamais un isolement plus complet de l’air ambiant. Un légitimisme implacable écartait jusqu’à la possibilité de nommer sans horreur la Révolution et Napoléon. Je ne connus guère l’Empire que par le concierge du collège. Il avait dans sa loge beaucoup d’images populaires : « Regarde Bonaparte, me dit-il un jour en me montrant une de ces images ; ah ! c’était un patriote, celui-là ! » De la littérature contemporaine, jamais un mot. La littérature française finissait à l’abbé Delille. On connaissait Chateaubriand ; mais, avec un instinct plus juste que celui des prétendus néo-catholiques, pleins de naïves illusions, ces bons vieux prêtres se défiaient de lui. Un Tertullien égayant son apologétique par Atala et René leur inspirait peu de confiance. Lamartine les troublait encore plus : ils devinaient chez lui une foi