Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/168

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peu solide ; ils voyaient ses fugues ultérieures. Toutes ces observations faisaient honneur à leur sagacité orthodoxe ; mais il en résultait pour leurs élèves un horizon singulièrement fermé. Le Traité des études de Rollin est un livre plein de vues larges auprès du cercle de pieuse médiocrité où s’enfermaient par devoir ces maîtres exquis.

Ainsi, au lendemain de la révolution de 1830, l’éducation que je reçus fut celle qui se donnait, il y a deux cents ans, dans les sociétés religieuses les plus austères. Elle n’en était pas plus mauvaise pour cela ; c’était la forte et sobre éducation, très pieuse, mais très peu jésuitique, qui forma les générations de l’ancienne France, et d’où l’on sortait à la fois si sérieux et si chrétien. Élevé par des maîtres qui renouvelaient ceux de Port-Royal, moins l’hérésie, mais aussi moins le talent d’écrire, je fus donc excusable, à l’âge de douze ou quinze ans, d’avoir, comme un élève de Nicole ou de M. Hermant, admis la vérité du christianisme. Mon état ne différait pas de celui de tant de bons esprits du XVIIe siècle,