Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/215

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lecture des notes étaient la vie ou la mort. Il n’y avait aucune punition dans la maison ; la lecture des notes et les réflexions du supérieur étaient l’unique sanction qui tenait tout en haleine et en éveil.

Ce régime avait ses inconvénients, cela est hors de doute. Adoré de ses élèves, M. Dupanloup n’était pas toujours agréable à ses collaborateurs. On m’a dit que, plus tard, dans son diocèse, les choses se passèrent de la même manière, qu’il fut toujours plus aimé de ses laïques que de ses prêtres. Il est certain qu’il écrasait tout autour de lui. Mais sa violence même nous attachait ; car nous sentions que nous étions son but unique. Ce qu’il était, c’était un éveilleur incomparable ; pour tirer de chacun de ses élèves la somme de ce qu’il pouvait donner, personne ne l’égalait. Chacun de ses deux cents élèves existait distinct dans sa pensée ; il était pour chacun d’eux l’excitateur toujours présent, le motif de vivre et de travailler. Il croyait au talent et en faisait la base de la foi. Il répétait souvent que l’homme vaut en proportion de sa faculté d’ad-