Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/216

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mirer. Son admiration n’était pas toujours assez éclairée par la science ; mais elle venait d’une grande chaleur d’âme et d’un cœur vraiment possédé de l’amour du beau. Il a été le Villemain de l’école catholique. M. Villemain fut, parmi les laïques, l’homme qu’il a le plus aimé et le mieux compris. Chaque fois qu’il venait de le voir, il nous racontait la conversation qu’il avait eue avec lui sur le ton de la plus chaleureuse sympathie.

Les défauts de l’éducation qu’il donnait étaient les défauts même de son esprit. Il était trop peu rationnel, trop peu scientifique. On eût dit que ses deux cents élèves étaient destinés à être tous poètes, écrivains, orateurs. Il estimait peu l’instruction sans le talent. Cela se voyait surtout à l’entrée des nicolaïtes à Saint-Sulpice, où le talent n’avait aucune valeur, où la scolastique et l’érudition étaient seules prisées. Quand il s’agissait de faire de la logique et de la philosophie en latin barbare, ces esprits, trop nourris de belles-lettres, étaient réfractaires et se refusaient à une aussi rude nourriture. Aussi les nicolaïtes