Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/225

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réussirez mieux ailleurs. Adieu. » La punition même la plus légère implique un principe servile d’obéissance par crainte. Pour moi, je ne crois pas qu’à aucune époque de ma vie j’aie obéi ; oui, j’ai été docile, soumis, mais à un principe spirituel, jamais à une force matérielle procédant par la crainte du châtiment. Ma mère ne me commanda jamais rien. Entre moi et mes maîtres ecclésiastiques tout fut libre et spontané. Qui a connu ce rationabile obsequium n’en peut plus souffrir d’autre. Un ordre est une humiliation ; qui a obéi est un capitis minor, souillé dans le germe même de la vie noble. L’obéissance ecclésiastique n’abaisse pas ; car elle est volontaire, et on peut se séparer. Dans une des utopies de société aristocratique que je rêve il n’y aurait qu’une seule peine, la peine de mort, ou plutôt l’unique sanction serait un léger blâme des autorités reconnues, auquel aucun homme d’honneur ne survivrait. Je n’aurais pu être soldat ; j’aurais déserté ou je me serais suicidé. Je crains que les nouvelles institutions militaires, n’admettant ni excep-