Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/224

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excellent jeune homme ; mais votre esprit n’est pas ce qu’il nous faut ; séparons-nous amis ; quel service puis-je vous rendre ? » Tel était le résumé du discours d’adieu du supérieur à l’élève congédié. On prisait si haut la faveur de participer à une éducation tenue pour exceptionnelle, que cette paternelle déclaration était redoutée comme un arrêt de mort.

Là est une des supériorités que présentent les établissements ecclésiastiques sur ceux de l’État ; le régime y est très libéral, car personne n’a droit d’y être ; la coercition y devient tout de suite la séparation. L’établissement de l’État a quelque chose de militaire, de froid, de dur, et avec cela une cause de grande faiblesse, puisque l’élève a un droit obtenu au concours dont on ne peut le priver. Pour ma part, j’ai peine à comprendre une école normale, par exemple, où le directeur ne puisse pas dire, sans s’expliquer davantage, aux sujets dénués de vocation : « Vous n’avez pas l’esprit de notre état ; en dehors de cela, vous devez avoir tous les mérites ; vous