Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/232

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j’allais en Bretagne. Malgré plus d’un trouble, je m’y retrouvais tout entier, tel que mes premiers maîtres m’avaient fait.

Selon la règle, après avoir terminé ma rhétorique à Saint-Nicolas du Chardonnet, j’allai à Issy, maison de campagne du séminaire Saint-Sulpice. Je sortais ainsi de la direction de M. Dupanloup pour entrer sous une discipline absolument opposée à celle de Saint-Nicolas du Chardonnet. Saint-Sulpice m’apprit d’abord à considérer comme enfantillage tout ce que M. Dupanloup m’avait appris à estimer le plus. Quoi de plus simple ? Si le christianisme est chose révélée, l’occupation capitale du chrétien n’est-elle pas l’étude de cette révélation même, c’est-à-dire la théologie ? La théologie et l’étude de la bible allaient bientôt m’absorber, me donner les vraies raisons de croire au christianisme et aussi les vraies raisons de ne pas y adhérer. Durant quatre ans, une terrible lutte m’occupa tout entier, jusqu’à ce que ce mot, que je repoussai longtemps comme une obsession diabolique : « Cela n’est pas vrai ! » retentît à mon oreille