Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/231

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réalité que changer de secte. Telle fut la destinée de Lamennais. Une des grandes sagesses de M. l’abbé Loyson a été de résister sur ce point à toutes les séductions et de se refuser aux caresses que le parti avancé ne manque jamais de faire à ceux qui rompent les liens officiels.

Durant trois ans, je subis cette influence profonde, qui amena dans mon être une complète transformation. M. Dupanloup m’avait à la lettre transfiguré. Du pauvre petit provincial le plus lourdement engagé dans sa gaine, il avait tiré un esprit ouvert et actif. Certes quelque chose manquait à cette éducation, et, tant qu’elle dut me suffire, j’eus toujours un vide dans l’esprit. Il y manquait la science positive, l’idée d’une recherche critique de la vérité. Cet humanisme superficiel fit chômer en moi trois ans de raisonnement, en même temps qu’il détruisait la naïveté première de ma foi. Mon christianisme subit de grandes diminutions ; il n’y avait cependant rien dans mon esprit qui pût encore s’appeler doute. Chaque année, à l’époque des vacances,