Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/255

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L’erreur littéraire paraît à ces pieux maîtres la plus dangereuse des erreurs, et c’est justement pour cela qu’ils excellent dans la vraie manière d’écrire. Il n’y a plus que Saint-Sulpice où l’on écrive comme à Port-Royal, c’est-à-dire avec cet oubli total de la forme qui est la preuve de la sincérité. Pas un moment ces maîtres excellents ne songeaient que, parmi leurs élèves, dût se trouver un écrivain ou un orateur. Le principe qu’ils prêchaient le plus était de ne jamais faire parler de soi et, si l’on a quelque chose à dire, de le dire simplement, comme en se cachant.

Vous en parliez bien à votre aise, chers maîtres, et avec cette complète ignorance du monde qui vous fait tant d’honneur. Mais, si vous saviez à quel point le monde encourage peu la modestie, vous verriez combien la littérature aurait de la peine à s’accommoder de vos principes. Que serait-il arrivé si M. de Chateaubriand avait été modeste ? Vous aviez raison d’être sévères pour les procédés charlatanesques d’une théologie aux abois, cherchant les applaudissements par des procédés tout mon-