Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/254

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vérité, comme a très bien dit Bacon, sort plutôt de l’erreur que de la confusion. »

Ainsi, au milieu du pathos prétentieux qui a envahi, de nos jours, l’apologétique chrétienne, s’est conservée une école de solide doctrine, répudiant l’éclat, abhorrant le succès. La modestie a toujours été le don particulier de la compagnie de Saint-Sulpice. Voilà pourquoi elle ne fait aucun cas de la littérature ; elle l’exclut presque, n’en veut pas dans son sein. La règle des sulpiciens est de ne rien publier que sous le voile de l’anonyme et d’écrire toujours du style le plus effacé, le plus éteint. Ils voient à merveille la vanité et les inconvénients du talent, et ils s’interdisent d’en avoir. Un mot les caractérise, la médiocrité ; mais c’est une médiocrité voulue, systématique. Ils font exprès d’être médiocres. « Mariage de la mort et du vide, » disait Michelet de l’alliance des jésuites et des sulpiciens. Sans doute ; mais Michelet n’a pas assez vu que le vide est ici aimé pour lui-même. Il devient alors quelque chose de touchant ; on se défend de penser, de peur de penser mal.