Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/272

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voir. Il porta la foudre dans ma conscience, comme je le dirai bientôt, et, d’une main je me dissimulais à moi-même les blessures d’une foi déjà profondément atteinte.

M. Pinault ressemblait beaucoup à M. Littré par sa passion concentrée et par l’originalité de ses allures. Si M. Littré eût reçu une éducation catholique, il eût été un mystique exalté ; si M. Pinault avait été élevé en dehors du catholicisme, il eût été révolutionnaire et positiviste. Les natures absolues ont besoin de ces partis tranchés. La physionomie de M. Pinault frappait tout d’abord. Criblé de rhumatismes, il semblait cumuler en sa personne toutes les façons dont un corps peut être contrefait. Sa laideur extrême n’excluait pas de ses traits une singulière vigueur ; mais il n’avait pas été élevé comme M. Gosselin ; il négligeait la propreté à un degré tout à fait choquant. Dans son cours, son vieux manteau et les manches de sa soutane servaient à essuyer les instruments et en général à tous les usages du torchon ; sa calotte, rembourrée pour pré-