Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/271

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héroïque sur l’amour. Il en attendit trop peut-être ; ne le trouvant pas infini, il le brisa comme un faux dieu. Au moins ne fut-il pas de « ceux qui, sachant aimer, n’en ont pas su mourir ». Tantôt je le vois perdu au ciel parmi les troupes d’anges roses d’un paradis du Corrège ; tantôt je me figure la femme qu’il eût pu rendre folle d’amour le flagellant durant toute l’éternité. Ce qu’il y avait d’injuste, c’est qu’il se vengeait des troubles de sa nature inquiète sur la raison, qui peut-être n’y était pour rien. Il pratiquait l’absurdité voulue de Tertullien, se complaisait en la folie de saint Paul. Il était chargé d’un des cours de philosophie : jamais on ne vit plus amère trahison ; son dédain pour la philosophie perçait à chaque mot ; c’était un perpétuel sarcasme, où il développait une sorte de talent âpre. M. Gosselin, qui prenait au sérieux la scolastique, réagissait silencieusement contre ces excès. Mais le fanatisme rend parfois très sagace. M. Gottofrey me remarqua, me suivit ; il démêla ce que l’optimisme paterne de M. Gosselin ne savait point