Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/280

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M. Gosselin m’aidaient à repousser les exagérations de M. Pinault. Ma conscience était tranquille ; j’arrivais même à croire que le mépris de la scolastique et de la raison, hautement professé par les mystiques, sentait l’hérésie et justement celle des hérésies que les sulpiciens orthodoxes trouvaient la plus dangereuse, je veux dire le fidéisme de M. de Lamennais.

Je m’abandonnai ainsi sans scrupule à mon goût pour l’étude. Ma solitude était absolue. Pendant deux ans, je ne vins pas une seule fois à Paris, quoique les permissions s’accordassent bien facilement. Je ne jouais jamais ; je passais les heures de récréation assis, cherchant à me défendre contre le froid par de triples vêtements. Ces messieurs, plus sages que moi, me faisaient remarquer combien ce régime d’immobilité, à l’âge que j’avais, était préjudiciable à ma santé. Ma croissance était à peine achevée ; ma taille se voûtait. Mais ma passion l’emporta. Je m’y livrai avec d’autant plus de sécurité que je la croyais bonne. C’était une sorte de fureur ; mais pouvais-je