Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/279

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dira à ceux qui viendront le trouver « : Oh ! Laissez-moi, laissez-moi. » Il s’aperçut que le trait avait porté juste. J’étais troublé, mais non converti. Voyant que je ne répondais rien, il me serra la main. « Ce sera un petit Gosselin, » dit-il avec une nuance légère d’ironie ; et il me laissa continuer ma lecture.

Certes, M. Pinault était fort supérieur à M. Gosselin par la force de sa nature et la hardiesse de ses partis pris. Vrai Diogène, il voyait le creux d’une foule de conventions qui étaient des articles de foi pour mon excellent directeur. Mais il ne m’ébranla pas un moment. J’ai toujours cru à l’esprit humain. M. Gosselin, par sa confiance en la scolastique, m’encourageait dans mon rationalisme. Un autre directeur, M. Manier, l’un des professeurs de philosophie, m’y encourageait plus encore. C’était un parfait honnête homme, dont les opinions se rapprochaient de celles de l’école universitaire modérée, si décriée alors dans le clergé. Il affectionnait la philosophie écossaise et me fit lire Thomas Reid. Il calma beaucoup ma pensée. Son autorité et celle de