Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/291

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née patrie d’Homère. » Ces trois mots, harmonieux et rythmés, me semblaient une peinture accomplie, et, bien qu’Homère ne soit pas né à Chio, que peut-être il ne soit né nulle part, ils me représentaient mieux la belle (et maintenant si malheureuse) île grecque que tous les entassements de petits traits matériels.

J’allais oublier un autre livre qui, avec le Télémaque, constitua longtemps pour moi le dernier mot de la littérature. Un jour, M. Gosselin me prit à part et, après un long préambule, me dit qu’il avait pensé, pour mes lectures, à un livre que certaines personnes trouvaient dangereux, qui l’était peut-être en effet pour quelques-uns, à cause de la vivacité avec laquelle la passion y est exprimée ; toutefois il me croyait capable de porter cette lecture. Il s’agissait du Comte de Valmont. Beaucoup de personnes demanderont sûrement ce qu’était cet ouvrage, pour lequel mon respectable directeur croyait qu’il fallait une préparation spéciale de jugement et de maturité. Le Comte de Valmont, ou les Égarements de la raison, est un roman de l’abbé Gérard, où, sous le cou-