Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/292

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vert d’une intrigue des plus innocentes, l’auteur réfute les doctrines du XVIIIe siècle et inculque les principes d’une religion éclairée. Sainte-Beuve, qui connaissait le comte de Valmont, comme il connaissait toute chose, éclatait de rire quand je lui contais cette histoire. Eh bien, oui ! le comte de Valmont est un livre assez dangereux[1]. Le christianisme

  1. J’allai dernièrement à la Bibliothèque nationale pour rafraîchir mes souvenirs sur le Comte de Valmont. En ayant été détourné, je priai M. Soury de parcourir pour moi l’ouvrage. J’étais curieux d’avoir son impression. Voici ce qu’il me répondit :

    « J’ai bien tardé à vous faire connaître mon sentiment sur le Comte de Valmont, ou les Égarements de la raison. C’est qu’il m’a fallu des efforts presque héroïques pour l’achever. Non que cet ouvrage ne soit honnêtement pensé et assez bien écrit. Mais l’impression de mortel ennui qui se dégage de ces milliers de pages permet à peine d’être équitable pour cette œuvre édifiante de l’excellent abbé Gérard. On lui en veut d’être si ennuyeux. Vraiment, il eût pu l’être moins.

     » Comme il arrive souvent, ce qu’il y a de meilleur en ce livre, ce sont les notes, c’est-à-dire une foule d’extraits et de morceaux choisis, tirés des écrivains célèbres des deux derniers siècles, surtout de Rousseau. Toutes ces « preuves », tous ces arguments apologétiques ruinent malheureusement l’œuvre de fond en comble, l’éloquence et la dialectique de Rousseau, de Diderot, d’Helvétius, d’Holbach, voire de Voltaire, différant très fort de celles de l’abbé Gérard. Il en est de même des raisons des liber-