Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/294

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

chrétienne fût réellement diminuée. Ma foi a été détruite par la critique historique, non par la scolastique ni par la philosophie. L’histoire de la philosophie et l’espèce de scepticisme dont j’étais atteint me retenaient dans le christianisme plutôt qu’elles ne m’en chassaient. Je me répétais souvent ces vers que j’avais lus dans le vieux Brucker[1] :

Discussi fateor, sectas attentius omnes,
Plurima quaesivi, per singula quaeque cucurri,
Nec quidquam inveni melius quam credere Christo.

Une certaine modestie me retenait. Jamais la question capitale de la vérité des dogmes chrétiens, de la Bible, ne se posait pour moi. J’admettais la révélation en un sens général, comme Leibniz, comme Malebranche. Certes ma philosophie du fieri était l’hétérodoxie même ; mais je ne tirais pas les conséquences. Après tout, mes maîtres étaient contents de

    j’ai sous les yeux, est intitulé : la Théorie du bonheur, ou l’Art de se rendre heureux mis à la portée de tous les hommes, faisant suite au Comte de Valmont. Paris, Bossange, 1801, 11e édition. C’est un autre livre, quoi qu’en dise l’éditeur, et j’avoue n’avoir pas été séduit par cet art d’être heureux mis ainsi à la portée de tout le monde. »

  1. Ces vers sont d’Antonius, poète chrétien du IVe siècle.