Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/293

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dont on y fait l’apologie n’est que le déisme ; la religion du Télémaque, un culte qui est la piété in abstracto, sans être aucune religion en particulier. Tout me confirmait ainsi dans une paix trompeuse. Je m’imaginais qu’en étant poli comme M. Gosselin et modéré comme M. Manier, j’étais chrétien.

Je ne peux pas dire, en effet, que ma foi

    tins que réfute le marquis, père du comte de Valmont. Qu’il doit être dangereux de présenter avec tant de force les mauvaises doctrines ! Elles ont une saveur qui rend fades et insipides les meilleures choses. Et ce sont celles-ci, les bonnes doctrines, qui remplissent les six ou sept volumes du Comte de Valmont ! L’abbé Gérard ne voulait pas qu’on appelât ce livre un roman. De fait, il n’y a ni drame ni action dans ces interminables lettres du marquis, du comte et d’Émilie.

    « Le comte de Valmont est un de ces incrédules qu’on doit souvent rencontrer dans le monde. Esprit faible, prétentieux et fat, incapable de penser et de réfléchir par lui-même, d’ailleurs ignorant et sans connaissances d’aucune sorte sur aucun sujet, il oppose à son malheureux père des foules de difficultés contre la morale, la religion et le christianisme en particulier, comme s’il avait le droit d’avoir une opinion sur des matières dont l’étude demande tant de lumières et consume tant d’années. Ce que ce pauvre garçon a de mieux à faire, c’est d’abjurer son inconduite, et il n’a garde d’y manquer presque à chaque tome.

    « Le septième volume de l’édition de cet ouvrage, que