Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/298

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inséparable de la vraie philosophie. Prêtre ou professeur de philosophie écossaise dans l’université lui paraissait la même chose. Il me faisait souvent envisager ce qu’une telle carrière a d’honorable, et plus d’une fois il prononça le nom de l’école normale. Je ne parlai pas de cette ouverture à M. Gosselin ; car certainement la seule pensée de quitter le séminaire pour l’école normale lui eût paru une idée de perdition.

Il fut donc décidé qu’après mes deux ans de philosophie, je passerais au séminaire Saint-Sulpice pour faire ma théologie. L’éclair qui avait traversé un moment l’esprit de M. Gottofrey n’eut pas de conséquence. Mais, aujourd’hui, à trente-huit ans de distance, je reconnais la haute pénétration dont il fit preuve. Lui seul fut clairvoyant, car c’était tout à fait un saint. Certes, je regrette maintenant que je n’aie point suivi son impulsion. Je serais sorti du séminaire sans avoir fait d’hébreu ni de théologie. La physiologie et les sciences naturelles m’auraient entraîné ; or, je peux bien le dire, l’ardeur extrême que ces sciences