Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/297

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

doutes sur la foi n’ont de gravité pour les jeunes gens que si l’on s’y arrête, qu’ils disparaissent quand les engagements sont pris et que la vie est arrêtée. Il me défendit de penser à ce qui venait d’arriver ; je le trouvai même ensuite plus affectueux que jamais. Il ne comprit rien à la nature de mon esprit, ne devina pas ses futures évolutions logiques. Seul, M. Gottofrey vit clair. Il avait raison, pleinement raison ; je le reconnais maintenant. Il fallait ses lumières transcendantes de martyr et d’ascète pour découvrir ce qui échappait si complètement à ceux qui dirigeaient ma conscience avec tant de droiture, du reste, et de bonté.

Je causai aussi avec M. Manier, qui m’engagea vivement à ne pas faire dépendre ma foi chrétienne d’objections de détail. Sur la question de l’état ecclésiastique, il mettait toujours beaucoup de discrétion. Il ne me disait jamais rien qui fût de nature à m’engager ou à me dissuader. C’était là pour lui en quelque sorte une chose secondaire. Pour lui, l’essentiel était le véritable esprit chrétien,