Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/305

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confié. Les questions supérieures leur échappaient. Le goût de l’ordre et le dévouement au devoir étaient le principe de toute leur vie.

M. Garnier était un savant orientaliste et l’homme le plus versé de France dans l’exégèse biblique, telle qu’elle s’enseignait chez les catholiques il y a une centaine d’années. La modestie sulpicienne l’empêcha de rien publier. Le résultat de ses études fut un immense ouvrage manuscrit, représentant un cours complet d’écriture sainte, selon les idées relativement modérées qui dominaient chez les catholiques et les protestants à la fin du XVIIIe siècle. L’esprit en était fort analogue à celui de Rosenmüller, de Hug, de Jahn. Quand j’entrai à Saint-Sulpice, M. Garnier était trop vieux pour enseigner ; on nous lisait ses cahiers. L’érudition était énorme, la science des langues, très solide. De temps en temps, certaines naïvetés faisaient sourire : par exemple, la façon dont l’excellent supérieur résolvait les difficultés qui s’attachent à l’aventure de Sara en Égypte. On sait que, vers la date où le pharaon conçut pour Sara