Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/306

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cet amour qui mit Abraham dans de si grands embarras, Sara, d’après le texte, aurait été presque septuagénaire. Pour lever cette difficulté, M. Garnier faisait observer qu’après tout pareille chose s’était vue, et que « Mademoiselle de Lenclos » inspira des passions, causa des duels à soixante-dix ans. M. Garnier ne s’était pas tenu au courant des derniers travaux de la nouvelle école allemande ; il resta toujours dans une quiétude parfaite sur les blessures que la critique du XIXe siècle avait faites au vieux système. Sa gloire est d’avoir formé en M. Le Hir un élève qui, héritier de son vaste savoir, y joignit la connaissance des travaux modernes et, avec une sincérité qu’expliquait sa foi profonde, ne dissimula rien de la largeur de la plaie.

Accablé par l’âge et absorbé par les soucis du généralat de la société, M. Garnier laissait au directeur, M. Carbon, tout le soin de la maison de Paris. M. Carbon était la bonté, la jovialité, la droiture mêmes. Il n’était pas théologien ; ce n’était nullement un esprit supérieur ; on pouvait d’abord le trouver