Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/308

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

bon m’adopta tout d’abord ; il reconnut que le fond de mon caractère est la gaieté et l’acceptation résignée du sort. « Je vois que nous ferons bon ménage ensemble, » me dit-il avec son excellent sourire. Effectivement M. Carbon est un des hommes que j’ai le plus aimés. Me voyant studieux, appliqué, consciencieux, il me dit au bout de très peu de temps : « Songez donc à notre société ; là est votre place. » Il me traitait déjà presque en confrère. Sa confiance en moi était absolue.

Les autres directeurs, chargés de l’enseignement des diverses branches de la théologie, étaient sans exception de dignes continuateurs d’une respectable tradition. Sous le rapport de la doctrine, cependant, la brèche était faite. L’ultramontanisme et le goût de l’irrationnel s’introduisaient dans la citadelle de la théologie modérée. L’ancienne école savait délirer avec sobriété ; elle portait dans l’absurde même les règles du bon sens. Elle n’admettait l’irrationnel, le miracle, que dans la mesure strictement exigée par l’Écriture et l’autorité de l’Église. La nouvelle école s’y complaît et