Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/342

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fait des sacrifices. Une idée élevée m’a toujours soutenu dans la direction de ma vie ; si bien même, que l’héritage que Dieu devrait me rendre, d’après notre arrangement réciproque, ma foi ! je l’en tiens quitte. Mon lot a été bon, et je peux ajouter en continuant le psaume : Portio cecidit mihi in præclaris ; etenim hæreditas mea præclara est mihi.

Mon ami du séminaire de Saint-Brieuc[1], après de grandes hésitations, s’était décidé à prendre les ordres sacrés. Je retrouve la lettre que je lui écrivis à ce sujet le 29 mars 1844, dans un moment où mes doutes sur la foi me laissaient un calme relatif.

J’ai été heureux, mais non surpris, en apprenant que tu avais fait le pas décisif. Les inquiétudes dont tu étais agité devront toujours s’élever dans l’âme de celui qui envisage sérieusement la portée du sacerdoce chrétien. Ce sont des épreuves pénibles, mais au fond honorables et salutaires, et je n’estimerais pas beaucoup celui qui arriverait au sacerdoce sans les avoir traversées…

  1. Il se nommait François Liart. C'était une très honnête et très droite nature. Il mourut à Tréguier dans les derniers jours de mars 1845. Sa famille me fit rendre, après sa mort, les lettres que je lui avaient écrites ; je les ai toutes.