Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/382

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pour les autres ; ― mes habitudes consciencieuses, qui sont pour moi un plaisir ; ― la capacité indéfinie que j’ai de m’ennuyer, venant peut-être d’une inoculation d’ennui tellement forte en ma jeunesse, que j’y suis devenu réfractaire pour le reste de ma vie ; ― tout cela s’explique par le milieu où j’ai vécu et les impressions profondes que j’ai reçues. Depuis ma sortie de Saint-Sulpice, je n’ai fait que baisser, et pourtant, avec le quart des vertus d’un sulpicien, j’ai encore été, je crois, fort au-dessus de la moyenne.

Il me plairait d’expliquer par le détail et de montrer comment la gageure paradoxale de garder les vertus cléricales, sans la foi qui leur sert de base et dans un monde pour lequel elles ne sont pas faites, produisit, en ce qui me concerne, les rencontres les plus divertissantes. J’aimerais à raconter toutes les aventures que mes vertus sulpiciennes m’amenèrent et les tours singuliers qu’elles m’ont joués. Après soixante ans de vie sérieuse, on a le droit de sourire : et où trouver une source de rire plus abondante,