Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/381

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émancipée de la tradition, m’a fait bien voir certaines choses et m’a préservé de plus d’une erreur.

Mais c’est surtout par le caractère que je suis resté essentiellement l’élève de mes anciens maîtres. Ma vie, quand je la repasse, n’a été qu’une application de leurs qualités et de leurs défauts. Seulement, ces qualités et ces défauts, transportés dans le monde, ont amené les dissonances les plus originales. Tout est bien qui finit bien, et, le résultat de l’existence ayant été en somme pour moi très agréable, je m’amuse souvent, comme Marc-Aurèle sur les bords du Gran, à supputer ce que je dois aux influences diverses qui ont traversé ma vie et en ont fait le tissu. Eh bien, Saint-Sulpice m’en apparaît toujours comme le facteur principal. Je parle de tout cela fort à mon aise, car j’y ai peu de mérite. J’ai été bien élevé ; voilà tout. Ma douceur, qui vient souvent d’un fonds d’indifférence ; ― mon indulgence, qui, elle, est très sincère et tient à ce que je vois clairement combien les hommes sont injustes les uns