Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/388

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affaires. J’en suis enchanté. En tout cas, je peux dire que, s’il y avait en moi quelque capital de production littéraire, la justice voulait qu’il y eût sa large part ; c’est bien lui qui l’avait découvert, je ne m’en étais jamais douté.

2. ― Il est très difficile de prouver qu’on est modeste, puisque, du moment qu’on dit l’être, on ne l’est plus. Je le répète, nos vieux maîtres chrétiens avaient là-dessus une règle excellente, qui est de ne jamais parler de soi, ni en bien, ni en mal. Voilà le vrai ; mais le public est ici le grand corrupteur. Il encourage au mal. Il induit l’écrivain à des fautes pour lesquelles il se montre ensuite sévère, comme la bourgeoisie réglée d’autrefois applaudissait le comédien et en même temps l’excluait de l’Église. « Damne-toi, pourvu que tu m’amuses ! » Voilà bien souvent le sentiment qu’il y a au fond des invitations, en apparence les plus flatteuses, du public. On réussit surtout par ses défauts. Quand je suis très content de moi, je suis approuvé de dix personnes. Quand je me laisse aller à de périlleux