Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/396

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ne doit jamais se permettre deux hardiesses à la fois. Le libre penseur doit être réglé en ses mœurs. Je connais des ministres protestants, très larges d’idées, qui sauvent tout par leur cravate blanche irréprochable. J’ai de même fait passer ce que la médiocrité humaine regarde comme des hardiesses grâce à un style modéré et à des mœurs graves.

Les raisonnements du monde en ce qui concerne les rapports des deux sexes sont bizarres comme les volontés de la nature elle-même. Le monde, dont les jugements sont rarement tout à fait faux, voit une sorte de ridicule à être vertueux quand on n’y est pas obligé par un devoir professionnel. Le prêtre, ayant pour état d’être chaste, comme le soldat d’être brave, est, d’après ces idées, presque le seul qui puisse sans ridicule tenir à des principes sur lesquels la morale et la mode se livrent les plus étranges combats. Il est hors de doute qu’en ce point, comme en beaucoup d’autres, mes principes cléricaux, conservés dans le siècle, m’ont nui aux yeux du monde. Ils ne m’ont pas nui pour le bonheur. Les femmes