Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/395

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ne pas en user, et j’aimerais fort à posséder des esclaves, pour être extrêmement doux avec eux et m’en faire adorer.

4. ― Mes idées cléricales m’ont encore bien plus dominé en tout ce qui touche à la règle des mœurs. Il m’eût semblé qu’il y avait de ma part un manque de bienséance à changer sur ce point mes habitudes austères. Les gens du monde, dans leur ignorance des choses de l’âme, croient, en général, qu’on ne quitte l’état ecclésiastique que pour échapper à des devoirs trop pesants. Je ne me serais point pardonné de prêter une apparence de raison à des manières de voir aussi superficielles. Consciencieux comme je le suis, je voulus être en règle avec moi-même et je continuai de vivre dans Paris ainsi que j’avais fait au séminaire. Plus tard, je vis bien la vanité de cette vertu comme de toutes les autres ; je reconnus, en particulier, que la nature ne tient pas du tout à ce que l’homme soit chaste. Je n’en persistai pas moins, par convenance, dans la vie que j’avais choisie, et je m’imposai les mœurs d’un pasteur protestant. L’homme