Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/412

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raient, j’espère, des indulgences pour m’en tirer. L’infinie bonté que j’ai rencontrée en ce monde m’inspire la conviction que l’éternité est remplie par une bonté non moindre, en qui j’ai une confiance absolue.

Et maintenant je ne demande plus au bon génie qui m’a tant de fois guidé, conseillé, consolé, qu’une mort douce et subite, pour l’heure qui m’est fixée, proche ou lointaine. Les stoïciens soutenaient qu’on a pu mener la vie bienheureuse dans le ventre du taureau de Phalaris. C’est trop dire. La douleur abaisse, humilie, porte à blasphémer. La seule mort acceptable est la mort noble, qui est non un accident pathologique, mais une fin voulue et précieuse devant l’éternel. La mort sur le champ de bataille est la plus belle de toutes ; il y en a d’autres illustres. Si parfois j’ai pu désirer d’être sénateur, c’est que j’imagine que, sans tarder peut-être, ce mandat fournira de belles occasions de se faire assommer, fusiller, des formes de trépas, enfin, bien préférables à une longue maladie qui vous tue lentement et par démolitions successives. La volonté de