Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/422

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un niais creux et superficiel, plein d’affectation et d’exagération : le néo-catholicisme ; ou bien enfin une philosophie sèche et sans cœur, revêche et méprisante : l’université et son esprit. Jésus-Christ n’est nulle part. J’ai été tenté de croire qu’il nous viendrait de l’Allemagne ; non que j’imagine que ce soit un individu, ce sera un esprit ; et quand nous disons Jésus-Christ, nous entendons, sans doute, désigner plutôt un certain esprit qu’un individu : c’est l’Évangile. Non que je croie aussi que cette apparition soit un renversement ou une découverte ; Jésus-Christ n’a ni renversé ni découvert. Il faut être chrétien, mais on ne peut être orthodoxe. Il faut un christianisme pur. L’archevêque serait disposé à comprendre cela ; il est capable de fonder le christianisme pur en France. J’imagine que l’une des suites du mouvement d’instruction et d’étude qui a lieu en France dans le clergé, sera de nous rationaliser un peu. D’abord, ils s’ennuieront de la scolastique ; la scolastique jetée de côté, on changera la forme des idées, et puis on reconnaîtra l’impossibilité de l’explication orthodoxe de la bible, etc., etc. Mais il y aura bataille. Car vos bonnes gens ont une verve de dogmatisme tout à fait tenace ; et puis ils se donneront un certain vernis d’Athanases qui leur fera boucher les yeux et les oreilles. Mon Dieu ! oui, je voudrais être là ! Et je vais peut-être me couper les bras ; car les prêtres feront beaucoup en ce moment ; peut-être faudra-t-il être prêtre pour y pouvoir quelque chose ; Ronge et Czerski étaient prêtres. J’ai lu une lettre de la mère de Czerski à son fils, où elle lui rappelle les sacrifices qu’elle a faits