Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/427

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mon âme, conservez-moi du moins votre amitié. Des erreurs et même des fautes ne peuvent suffire pour la rompre. D’ailleurs, je le répète, j’ai confiance en votre largeur, et Dieu me garde de chercher à vous prouver qu’elle n’est pas orthodoxe ; car je veux que vous la conserviez, et pourtant je veux aussi que vous soyez orthodoxe. Vous êtes presque le seul dépositaire de mes pensées les plus secrètes ; au nom du ciel, montrez-moi de l’indulgence, et consentez encore à m’appeler votre frère. Quant à mon affection, mon bon ami, elle vous est acquise pour toujours…

Paris, 12 novembre 1845.

Ce n’était pas sans surprise, mon cher ami, que j’avais vu se terminer les vacances sans recevoir de réponse de vous. Aussi ma première question en arrivant à Saint-Sulpice fut pour vous demander, afin d’apprendre la cause de ce silence, et plus encore afin de m’entretenir avec vous. Jugez de la peine que j’éprouvai quand j’appris qu’une maladie grave avait été la cause qui avait entravé votre correspondance. Bientôt, il est vrai, les détails que l’on me donna suffirent pour lever toutes mes inquiétudes ; mais ils me laissèrent toujours le regret de voir reculée peut-être pour longtemps l’époque où nous pourrons nous entretenir. Que de réflexions, mon bon ami, fit naître en moi cette nouvelle inattendue qui concourait avec une phase si singulière de mon existence ! Croiriez-vous