Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/432

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je n’avais jamais trouvé l’analogue en moi. Sur plusieurs points nos idées se rencontraient merveilleusement : pour lui aussi, tout est philosophie. En somme, c’est un esprit spéculatif remarquable, mais sur certains points il sonne creux.

Qu’est-ce donc, me demanderez-vous, qui m’a obligé à quitter cette position où, après tout, je ne me trouvais pas si mal, et où je pouvais si facilement poursuivre mes projets actuels ? Ceci est, mon ami, une des passes les plus singulières de ma vie ; j’aurais mille peines à le faire comprendre à qui que ce soit : nul ne l’a, je pense, bien compris. C’est encore le devoir. Oui, mon ami, la même raison qui m’a obligé à quitter Saint-Sulpice, à refuser les Carmes, m’a obligé encore à quitter le collège Stanislas… M. Dupanloup et M. Manier m’entraînaient d’ailleurs en avant ; je marchai en avant, et ce fut à recommencer. En vérité, mon cher, il faut qu’il m’arrive toujours des aventures uniques, et je me réjouirais de celle-ci, ne fût-ce que pour les singulières positions où elle m’a placé, lesquelles m’ont fourni l’occasion d’apprendre une foule de choses.

Il me fut facile, en sortant de Stanislas, de renouer une des négociations que j’avais rompues pour y entrer, et de suivre mon plan primitif qui était simplement de prendre dans Paris une chambre d’étudiant. Telle est, mon ami, ma position actuelle. J’ai pris une chambre comme pensionnaire libre dans une institution, près du Luxembourg, et quelques répétitions de mathématiques et de littérature dont je me suis chargé me mettent à peu près, comme l’on dit, au pair. Je n’en