Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/434

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M. Quatremère et M. Julien, professeur de chinois au Collège de France, et le résultat a été que telle ne serait pas ma spécialité extérieure (je dis extérieure, car intérieurement je n’en aurai jamais, à moins qu’on n’appelle la philosophie une spécialité, ce qui à mon sens serait inexact). L’Université s’est alors offerte à moi : ici, vous le comprendrez, nouvelles difficultés. Le professorat proprement dit m’est à peine supportable, et, en supposant qu’on n’y reste pas toujours, il faut au moins y passer longtemps. La philosophie seule me sourirait, encore faudrait-il me laisser faire, et ils ne me laisseraient pas. Et puis il faudrait pour y arriver faire des années de ce que j’appelle littérature écolière, vers latins, discours de rhétorique, etc. Jugez quel supplice !… J’ai été tellement effrayé de cette perspective, que je fus quelque temps décidé à m’agréger à la classe des sciences ; mais ce serait alors plus que jamais qu’il faudrait me spécialiser ; car, enfin, dans leur littérature, ils admettent bien encore une sorte d’universalité. Et puis cela m’écarterait de mes idées chéries. Non, non ; je me rapprocherai le plus possible de ce centre qui est philosophie, théologie, science, littérature, etc., qui est Dieu, suivant moi. Ainsi donc, mon ami, je regarde comme probable que je viserai aux lettres, afin de m’agréger à la philosophie. Ah ! croyez que tout cela est pâle pour moi, et que cet esprit universitaire m’est profondément antipathique. Mais il faut être quelque chose, et j’ai dû chercher à être ce qui s’écarte le moins de mon type idéal. Et puis, qui sait ? j’arriverai peut-être par là à faire jour