Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/435

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à mes idées. Il arrive tant de choses inattendues, qui déjouent tous les calculs ! Il faut donc se préparer à tout, et se tenir prêt à déployer sa voile au premier vent qui souffle[1]

Il faut aussi que je vous parle, mon ami, d’un fait intellectuel qui m’a beaucoup soutenu et consolé en ces moments pénibles ; ce sont mes rapports avec M. Dupanloup. Je lui fis d’abord connaître par une lettre mon état intérieur et les démarches que je croyais devoir faire en conséquence. Il me comprit parfaitement, et il s’ensuivit entre nous une longue conférence d’une heure et demie, où, pour la première fois de ma vie, j’exposais à un homme le fond de mes idées et de mes doutes sur le catholicisme. Ah ! j’avoue n’avoir jamais rien rencontré de plus distingué ; j’ai trouvé en lui de

  1. M. Cognat se contente d’analyser ce qui suit en ces termes : « M. Renan entre ensuite dans quelques détails sur sa préparation à l’examen d’admission à l’École normale et à la licence ès lettres. Quant à l’examen du baccalauréat qu’il n’a pas encore passé, il s’en inquiète peu. Il a eu cependant de grandes difficultés pour s’y faire admettre et ne s’en est tiré qu’en produisant un certificat d’études domestiques, malgré la répugnance que lui inspirait ce moyen obreptice. Il n’avait pas cru devoir se refuser une faculté que tout le monde s’accordait et qui semblait tolérée par la loi du monopole de l’enseignement universitaire, afin de diminuer l’odieux de sa prescription. « Quoi qu’il en soit, ajoute-t-il, je lui en veux beaucoup de m’avoir forcé à mentir ; et le directeur de l’École normale qui venait, après cela, me vanter la libéralité de l’Université !