Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/442

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L’homme ne peut jamais être assez sûr de sa pensée pour jurer fidélité à tel ou tel système qu’il regarde maintenant comme le vrai. Tout ce qu’il peut, c’est de se consacrer à la vérité, quelle qu’elle soit, et de disposer son cœur à la suivre partout où il croira la voir, dût-il lui en coûter les plus pénibles sacrifices.

Je vous écris ces lignes, mon ami, à la hâte et tout préoccupé du travail, fort peu attrayant, de ma préparation à la licence… Excusez donc le désordre de mes pensées. J’attends de vous une longue lettre qui me rafraîchisse un peu au milieu de ces aridités.

Adieu, cher ami, croyez à la sincérité de mon affection et promettez-moi que la vôtre m’est toujours acquise.

Paris, 11 septembre 1846.

Je voudrais pouvoir commenter, ligne par ligne, votre lettre que je viens de recevoir, il y a une heure, et vous communiquer les réflexions qu’elle a fait naître en moi en mille sens divers. Mais d’impérieux travaux me l’interdisent. Je ne puis pourtant m’empêcher de jeter à la hâte sur le papier les principaux points sur lesquels il est important que, à l’heure même, nous nous entendions.

J’ai beaucoup souffert de vous entendre dire qu’il y a désormais un abîme entre vos croyances et les miennes. Non, mon cher ; nous croyons les mêmes choses, vous sous une forme, moi sous une autre. Les orthodoxes sont