Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/446

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a de plus propre à cela. On respecte plus la vérité en se tenant dans une position telle qu’on puisse lui dire : « Traîne-moi où tu voudras ; je suis prêt. » un prêtre ne peut pas dire cela commodément. Il lui faut plus que du courage pour reculer. S’il n’est pas céleste, après cela, il est horrible ; et cela est si vrai, que je ne vois pas un seul beau type en ce genre, pas même M. de Lamennais. Il faut marcher et se déclarer très positivement : « Je verrai toujours comme j’ai vu par le passé, et je ne verrai pas autrement. » Comment vivre un instant en se disant cela ?

Quant à l’affaire de M. X., en dehors de toute considération personnelle, voici mon syllogisme. On ne doit pas jurer de ce dont on n’est pas sûr. Or, on n’est pas sûr de ne pas changer de croyance à l’avenir, quelque certitude qu’on ait du présent et du passé. Donc… moi aussi, autrefois, j’aurais juré, et pourtant…

Ce que vous dites des antagonistes du christianisme est très vrai. J’ai même fait incidemment sur ce point des recherches assez curieuses qui, complétées, pourraient faire une histoire intéressante, intitulée : Histoire de l’incrédulité dans le christianisme. Les résultats paraîtraient triomphants aux orthodoxes et surtout le premier, à savoir que le christianisme n’a guère été attaqué jusqu’ici qu’au nom de l’immoralité et des doctrines abjectes du matérialisme, par des polissons, en un mot. Voilà le fait et je le prouverai. Mais j’explique cela. À ces époques-là, on devait croire aux religions. C’était la loi d’alors ; et ceux qui n’y ont pas cru ont été en dehors de l’ordre commun. Il est temps qu’un