Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/60

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Calvez, qui fit un faux serment et fut frappée d’une maladie de consomption le jour où elle sut que l’on avait adjuré saint Yves de la Vérité de la faire mourir dans l’année[1].

― Et cette folle, lui dis-je, qui était d’ordinaire sous l’auvent, et qui nous faisait peur, à Guyomar et à moi ? »

Elle réfléchit un moment pour voir de qui je parlais, et, reprenant vivement :

« Ah ! celle-là, mon fils, c’était la fille du broyeur de lin.

― Qu’est-ce que le broyeur de lin ?

― Je ne t’ai jamais conté cette histoire. Vois-tu, mon fils, on ne comprendrait plus cela maintenant ; c’est trop ancien. Depuis que je suis dans ce Paris, il y a des choses que je n’ose plus dire… Ces nobles de campagne étaient si respectés ! J’ai toujours pensé que c’étaient les vrais nobles. Ah ! si on racontait cela à ces Parisiens, ils riraient. Ils n’admettent que leur Paris ; je les trouve bornés au fond… Non, on ne peut plus comprendre

  1. Je raconterai peut-être un jour ces histoires.