Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/59

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rangées à la porte sur de pauvres chaises. Jamais on ne surprit chez elles un murmure ; cependant, quand elles apercevaient venir de loin les acquéreurs des biens de leur famille, personnes relativement grossières et bourgeoises, roulant équipage et étalant leur luxe, elles rentraient et allaient prier à la chapelle afin de ne pas les rencontrer. C’était moins pour s’épargner à elles-mêmes un regret sur des biens dont elles avaient fait le sacrifice à Dieu, que par délicatesse, de peur que leur présence ne parût un reproche à ces parvenus. Plus tard, les rôles furent bien changés ; mais l’hôpital continua de recevoir toute sorte d’épaves. Là mourut le pauvre Pierre Renan, ton oncle, qui mena toujours une vie de vagabond et passait ses journées dans les cabarets à lire aux buveurs les livres qu’il prenait chez nous, et le bonhomme Système, que les prêtres n’aimaient pas, quoique ce fût un homme de bien, et Gode, la vieille sorcière, qui, le lendemain de ta naissance, alla consulter pour toi l’étang du Minihi, et Marguerite