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vrai royaume de Dieu que chacun porte en son cœur.

Le nom de « royaume de Dieu » ou de « royaume du ciel[1] » fut le terme favori de Jésus pour exprimer la révolution qu’il inaugurait dans le monde[2]. Comme presque tous les termes messianiques, le mot en question venait du livre de Daniel. Selon l’auteur de ce livre extraordinaire, aux quatre empires profanes, destinés à crouler, succédera un cinquième empire, qui sera celui des « saints » et qui durera éternellement[3]. Ce règne de Dieu sur la terre prêtait naturellement aux interprétations les plus diverses. Pour plusieurs, c’était le règne du Messie ou d’un nouveau David[4] ; pour la théologie juive, le « royaume de Dieu » n’est le plus souvent que le judaïsme lui-même, la vraie

  1. Le mot « ciel », dans la langue rabbinique de ce temps, est synonyme du nom de « Dieu », qu’on évitait de prononcer. Voir Buxtorf, Lex. chald. talm. rabb., au mot שמים, et Daniel, iv, 22, 83. Comp. Matth., xxi, 25 ; Marc, xi, 30, 31 ; Luc, xv, 18, 21 ; xx, 4, 5.
  2. Cette expression revient à chaque page des Évangiles synoptiques, des Actes des apôtres, des épitres de saint Paul. Si elle ne paraît qu’une fois dans le quatrième Évangile (iii, 3 et 5), c’est que les discours rapportés par cet Évangile sont loin de représenter la parole vraie de Jésus.
  3. Dan., ii, 41 ; vii, 13, 14, 22, 27 ; Apocalypse de Baruch, dans Ceriani, Monum. sacra et prof., tom. I, fasc. ii, p. 82.
  4. Marc, xi, 10 ; — Targum de Jonathan : Is., xl, 9 ; liii, 10 ; Michée, iv, 7.