Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/204

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et sans mélange où la voix de son Père retentissait en son sein avec un timbre plus pur. Il y eut alors quelques mois, une année peut-être, où Dieu habita vraiment sur la terre. La voix du jeune charpentier prit tout à coup une douceur extraordinaire. Un charme infini s’exhalait de sa personne, et ceux qui l’avaient vu jusque-là ne le reconnaissaient plus[1]. Il n’avait pas encore de disciples, et le groupe qui se pressait autour de lui n’était ni une secte, ni une école ; mais on y sentait déjà un esprit commun, quelque chose de pénétrant et de doux. Son caractère aimable, et sans doute une de ces ravissantes figures[2] qui apparaissent quelquefois dans la race juive, faisaient autour de lui comme un cercle de fascination auquel presque personne, au milieu de ces populations bienveillantes et naïves, ne savait échapper.

Le paradis eût été, en effet, transporté sur la

    cèdent le récit de la Passion. Les premières prédications, surtout dans Matthieu, sont toutes morales.

  1. Matth., xiii, 54 et suiv. ; Marc, vi, 2 et suiv. ; Jean, vi, 42.
  2. La tradition sur la laideur de Jésus (Justin, Dial. cum Tryph., 85, 88, 100 ; Clément d’Alex., Pædag., III, 1 ; Strom., VI, 17 ; Origène, Contre Celse, VI, 75 ; Tertullien, De carne Christi, 9 ; Adv. Judæos, 14) vient du désir de voir réalisé en lui un trait prétendu messianique (Is., liii, 2). Aucun portrait traditionnel de Jésus n’existait aux premiers siècles. Saint Augustin, De Trinitate, VIII, 4, 5. Cf. Irénée, Adv. hær., I, xxv, 6.