Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/215

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la poutre de ton œil, et alors tu penseras à ôter la paille de l’œil de ton frère[1]. »

Ces leçons, longtemps renfermées dans le cœur du jeune maître, groupaient déjà quelques initiés. L’esprit du siècle était aux petites Églises ; c’était le temps des esséniens et des thérapeutes. Des rabbis ayant chacun leur enseignement, Schemaïa, Abtalion, Hillel, Schammaï, Juda le Gaulonite, Gamaliel, tant d’autres dont les maximes remplissent le Talmud[2] s’élevaient de toutes parts. On écrivait très-peu ; les docteurs juifs de ce temps ne faisaient pas de livres : tout se passait en conversations et en leçons publiques, auxquelles on cherchait à donner un tour facile à retenir[3]. Le jour où le jeune charpentier de Nazareth commença à produire au dehors ces maximes, pour la plupart déjà répandues, mais qui, grâce à lui, devaient régénérer le monde, ce ne fut donc pas un événement. C’était un rabbi de plus (il est vrai, le plus charmant de tous), et autour de lui quelques jeunes gens avides de l’entendre et cherchant l’inconnu. L’inattention des

  1. Matth., vii, 4-5 : Luc, vi, 41 et suiv. Comparez Talmud de Babylone, Baba bathra, 15 b ; Erachin, 16 b.
  2. Voir surtout Pirké Aboth, ch. i.
  3. Le Talmud, résumé de ce vaste mouvement d’écoles, ne commença guère à être écrit qu’au iie siècle de notre ère.