Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/309

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briques qui les composent est un péché[1]. » Le nom de « pauvre » (ébion) était devenu synonyme de « saint », d’« ami de Dieu ». C’était le nom que les disciples galiléens de Jésus aimaient à se donner[2] ; ce fut longtemps le nom des chrétiens judaïsants de la Batanée et du Hauran (nazaréens, hébreux), restés fidèles à la langue comme aux enseignements primitifs de Jésus, et qui se vantaient de posséder parmi eux les descendants de sa famille[3]. À la fin du iie siècle, ces bons sectaires, demeurés en dehors du grand courant qui avait emporté les autres Églises, sont traités d’hérétiques (ébionites), et on invente pour expliquer leur nom un prétendu hérésiarque Ebion[4].

On entrevoit sans peine que ce goût exagéré de pauvreté ne pouvait être bien durable. C’était là un

  1. Hénoch, xcix, 13, 14.
  2. Epist. Jac., ii, 5 et suiv.
  3. Jules Africain, dans Eusèbe, H. E., I, 7 ; Eus., De situ et nom. loc. hebr., au mot Χωϐά ; Orig., Contre Celse, II, 1 ; V, 61 ; Épiph., Adv. hær., xxix, 7, 9 ; xxx, 2, 18.
  4. Voir surtout Origène, Contre Celse, II, 1 ; De principiis, IV, 22. Comparez Épiph., Adv. hær., xxx, 17. Irénée, Origène, Eusèbe, les Constitutions apostoliques, ignorent l’existence d’un tel personnage. L’auteur des Philosophumena semble hésiter (VII, 34 et 35 ; X, 22 et 23). C’est par Tertullien et surtout par Épiphane qu’a été répandue la fable d’un Ébion. Du reste, tous les Pères sont d’accord sur l’étymologie Ἐϐίων = πτωχός.