Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/396

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Jésus de son admiration pour les prodiges, et que le maître, ennuyé d’une réputation qui lui pesait, lui ait souvent dit : « N’en parle point. » Une fois, cette discordance aboutit à un éclat singulier[1], à un accès d’impatience, où perce la fatigue que causaient à Jésus ces perpétuelles demandes d’esprits faibles. On dirait, par instants, que le rôle de thaumaturge lui est désagréable, et qu’il cherche à donner aussi peu de publicité que possible aux merveilles qui naissent en quelque sorte sous ses pas. Quand ses ennemis lui demandent un miracle, surtout un miracle céleste, un météore, il refuse obstinément[2]. Il est donc permis de croire qu’on lui imposa sa réputation de thaumaturge, qu’il n’y résista pas beaucoup, mais qu’il ne fit rien non plus pour y aider, et qu’en tout cas, il sentait la vanité de l’opinion à cet égard.

Ce serait manquer à la bonne méthode historique que d’écouter trop ici nos répugnances. La condition essentielle de la vraie critique est de comprendre la diversité des temps, et de se dépouiller des habitudes instinctives qui sont le fruit d’une éducation purement raisonnable. Pour nous soustraire aux objections qu’on serait tenté d’élever contre le carac-

  1. Matth., xvii, 16 ; Marc, ix, 18 ; Luc, ix, 41.
  2. Matth., xii, 38 et suiv. ; xvi, 1 et suiv. ; Marc, viii, 11 ; Luc, xi, 29 et suiv.