Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/420

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ceux qui semblent le répudier, les rêves d’organisation idéale de la société, qui ont tant d’analogie avec les aspirations des sectes chrétiennes primitives, ne sont en un sens que l’épanouissement de la même idée, une des branches de cet arbre immense où germe toute pensée d’avenir, et dont le « royaume de Dieu » sera éternellement la tige et la racine. Toutes les révolutions sociales de l’humanité seront greffées sur ce mot-là. Mais, entachées d’un grossier matérialisme, aspirant à l’impossible, c’est-à-dire à fonder l’universelle félicité sur des mesures politiques et économiques, les tentatives « socialistes » de notre temps resteront infécondes, jusqu’à ce qu’elles prennent pour règle le véritable esprit de Jésus, je veux dire l’idéalisme absolu, ce principe que, pour posséder la terre, il faut y renoncer.

Le mot de « royaume de Dieu » exprime, d’un autre côté, avec un rare bonheur, le besoin qu’éprouve l’âme d’un supplément de destinée, d’une compensation à la vie actuelle. Ceux qui ne se plient pas à concevoir l’homme comme un composé de deux substances, et qui trouvent le dogme déiste de l’immortalité de l’âme en contradiction avec la physiologie, aiment à se reposer dans l’espérance d’une réparation finale, qui, sous une forme inconnue, satisfera aux besoins du cœur de l’homme. Qui sait