Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/459

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venait intraitable jusqu’à la folie pour ceux qui ne pensaient pas comme lui. Jésus, de même, s’appliquait non sans raison le passage du livre d’Isaïe[1] : « Il ne disputera pas, ne criera pas ; on n’entendra point sa voix dans les places ; il ne rompra pas tout à fait le roseau froissé, et il n’éteindra pas le lin qui fume encore[2]. » Et pourtant plusieurs des recommandations qu’il adresse à ses disciples renferment les germes d’un vrai fanatisme[3], germes que le moyen âge devait développer d’une façon cruelle. Faut-il lui en faire un reproche ? Aucune révolution ne s’accomplit sans un peu de rudesse. Si Luther, si les auteurs de la révolution française eussent dû observer les règles de la politesse, la Réforme et la Révolution ne se seraient point faites. Félicitons-nous de même que Jésus n’ait rencontré aucune loi qui punît l’outrage envers une classe de citoyens. Les pharisiens eussent été inviolables. Toutes les grandes choses de l’humanité ont été accomplies au nom de principes absolus. Un philosophe critique eût dit à ses disciples : « Respectez l’opinion des autres, et croyez que personne n’a si complétement raison que son adversaire ait complétement tort. » Mais l’action de

  1. xlii, 2-3.
  2. Matth., xii, 19-20.
  3. Matth., x, 14-15, 21 et suiv., 34 et suiv. ; Luc, xix, 27.