Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/464

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venons de décrire, et qu’on peut appeler « formalisme traditionnel, » est d’opposer le « texte » des livres sacrés aux « traditions ». Le zèle religieux est toujours novateur, même quand il prétend être conservateur au plus haut degré. Comme les néo-catholiques de nos jours s’éloignent sans cesse de l’Évangile, ainsi les pharisiens s’éloignaient à chaque pas de la Bible. Voilà pourquoi le réformateur puritain est d’ordinaire essentiellement « biblique », partant du texte immuable pour critiquer la théologie courante, qui a marché de génération en génération. C’est ce que firent plus tard les karaïtes, les protestants. Jésus porta bien plus énergiquement la hache à la racine. On le voit parfois, il est vrai, invoquer le texte sacré contre les fausses masores ou traditions des pharisiens[1]. Mais, en général, il fait peu d’exégèse ; c’est à la conscience qu’il en appelle. Du même coup il tranche le texte et les commentaires. Il montre bien aux pharisiens qu’avec leurs traditions ils altèrent gravement le mosaïsme ; mais il ne prétend nullement lui-même revenir à Moïse. Son but était en avant, non en arrière. Jésus était plus que le réformateur d’une religion vieillie ; c’était le créateur de la religion éternelle de l’humanité.

  1. Matth., xv, 2 et suiv. : Marc, vii, 2 et suiv.