Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/505

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table, passait déjà peut-être aux yeux de plusieurs pour le prétendu ressuscité, et attirait les regards. Marthe servait, selon sa coutume[1]. Il semble qu’on cherchât, par un redoublement de respects extérieurs, à vaincre la froideur du public et à marquer fortement la haute dignité de l’hôte qu’on recevait. Marie, pour donner au festin un plus grand air de fête, entra pendant le dîner, portant un vase de parfum qu’elle répandit sur les pieds de Jésus. Elle cassa ensuite le vase, selon un vieil usage qui consistait à briser la vaisselle dont on s’était servi pour traiter un étranger de distinction[2]. Enfin, poussant les témoignages de son culte à des excès jusque-là inconnus, elle se prosterna et essuya avec ses longs cheveux les pieds de son maître[3]. La maison fut remplie de la bonne odeur du parfum, à la grande joie de tous, excepté de l’avare Juda de Kerioth. Eu égard aux habitudes économes de la communauté,

  1. Cette circonstance ne serait pas invraisemblable, même dans le cas où le festin n’aurait pas eu lieu dans la maison de Marthe. Il est très-ordinaire, en Orient, qu’une personne qui vous est attachée par un lien d’affection ou de domesticité aille vous servir quand vous mangez chez autrui.
  2. J’ai vu cet usage se pratiquer encore à Sour.
  3. Il faut se rappeler que les pieds des convives n’étaient point, comme chez nous, cachés sous la table, mais étendus à la hauteur du corps sur le divan ou triclinium.