Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/512

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

encore éviter la mort ; il ne le voulut pas. L’amour de son œuvre l’emporta. Il accepta de boire le calice jusqu’à la lie. Désormais, en effet, Jésus se retrouve tout entier et sans nuage. Les subtilités du polémiste, la crédulité du thaumaturge et de l’exorciste sont oubliées. Il ne reste que le héros incomparable de la Passion, le fondateur des droits de la conscience libre, le modèle accompli que toutes les âmes souffrantes méditeront pour se fortifier et se consoler.

Le triomphe de Bethphagé, cette audace de provinciaux, fêtant aux portes de Jérusalem l’avénement de leur roi-messie, acheva d’exaspérer les pharisiens et l’aristocratie du temple. Un nouveau conseil eut lieu le mercredi (12 de nisan), chez Joseph Kaïapha[1]. L’arrestation immédiate de Jésus fut résolue. Un grand sentiment d’ordre et de police conservatrice présida à toutes les mesures. Il s’agissait d’éviter un esclandre. Comme la fête de Pâque, qui commençait cette année le vendredi soir, était un moment d’encombrement et d’exaltation, on résolut de devancer ces jours-là. Jésus était populaire[2] ; on craignait une émeute. Bien que l’usage fût de relever les solennités où la nation était réunie par des exécutions

  1. Matth., xxvi, 1-5 ; Marc, xiv, 1-2 ; Luc, xxii, 1-2.
  2. Matth., xxi, 46.